Contribution au débat « Comment former les acteurs de l'éducation à et par la recherche ? » Organisé par François Taddei, directeur du CRI, 2017)

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Contribution au débat « Comment former les acteurs de l'éducation à et par la recherche ? » Organisé par François Taddei, directeur du CRI, 2017)

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Veille en reliance

Cette consultation a pour objectif de recueillir, débattre et approfondir des propositions permettant d’organiser et coordonner des politiques de recherche et développement dans le domaine de l’éducation et de l’apprentissage tout au long de la vie. cf. https://assembl-civic.bluenove.com/apprendredemain

Publication:

Une contribution de Philippe Fleurance, mars 2017.

« Apprendre demain ? » : Quelques remarques à la lecture des 10 points de la quatrième synthèse (14 mars 2017) du débat, pour tenter de répondre positivement et avec bienveillance à la question « D’après vous, quels enjeux n’ont pas encore été pris en compte dans ce débat pour former à et par la recherche ? »

Quand les professionnels de l’éducation se voient déçus dans leur aspiration à contrôler leur environnement, ils répondent avec une prolifération de structures, d’interfaces, d’organes de coordination et de comités, de procédures, de règles, de métriques, d’indicateurs de performance et de tableaux de bord.

Mais l’accumulation de savoirs spécialisés ne permet pas de penser l’action, l’expérience, la stratégie, la complexité du monde. Peut-être que le titre de ce débat « apprendre demain » oriente trop vite vers l’habituelle tradition du « solutionnisme » centrée sur le « comment » sans discuter en amont les modes de pensée qui nous organise.

Mais au-delà des fictions déterministes, de la complexité on fait toujours et tout d’abord l’expérience de sa manifestation car : « Toute action échappe à la volonté de son auteur en entrant dans le jeu des inter-rétroactions du milieu où elle intervient. Tel est le principe propre à l’écologie de l’action … L’écologie de l’action c’est en somme tenir compte de la complexité qu’elle suppose, c’est-à-dire aléa, hasard, initiative, décision, inattendu, imprévu, conscience des dérives et des transformations … » (Edgar Morin).

En fait, comme Mr Jourdain faisait de la prose sans le savoir, nous vivons et pratiquons tous la complexité au quotidien.

Il est surement pour chacun d’entre nous, des sujets liés aux actions qui sont embrouillés, mêlant à différents points de vue scientifique et technique, des questions éthiques et pratiques. Des évènements qui ne cadrent plus avec les grilles d’analyse habituelles – ambigüité, incertitude, caractère hybride des problèmes ... Des processus co-évolutifs entrainant des diagnostics difficiles à poser et à repérer dans les catégories usuelles. Des règles d’action claires et indiscutables – « un responsable, un objectif, une didactique explicite » – qui ne fonctionnent plus aussi bien dans certains contextes … Des organisations « polycentriques » et « hybrides » à finalités hétérogènes générant des exigences contradictoires, des tensions, des dilemmes posées par les critères économiques, sociaux, environnementaux et éthiques qu’elles s’efforcent d’atteindre.

Les différents acteurs pressentent cette complexité qu’ils peinent à nommer, parlant plutôt de complication, considèrent avec perplexité l’infinité de relations qui lient les acteurs, la multitude de boucles de rétroaction qui font évoluer des systèmes imbriqués aux limites floues.

Au quotidien la pensée stratégique de nature programmatrice, rétro-ingénierique est mise en échec par l’évolution du contexte, perçu comme de plus en plus complexe. Comment caractériser cet environnement qui parait imprécis, au sein duquel rien n’est définitivement dénombrable, où les situations complexes plongent les acteurs dans une incertitude quant aux décisions à prendre et à leurs multiples conséquences ?

Dans un monde qui change vite, où de nouveaux défis apparaissent, où les interdépendances changent d'échelle, les cadres conceptuels et institutionnels d'hier deviennent le principal obstacle à notre capacité à faire face.

 S’il fallait enrichir nos cultures épistémologiques pour appréhender la complexité des écosystèmes d’action ?

Et s’il fallait promouvoir des ingénieries de la conception des actions collectives plutôt que déduire des applications ?