La Science Nouvelle (1725)

Note de lecture par LE MOIGNE Jean-Louis

Enfin aisément disponible en français pour une somme modique (85 F.) cette oeuvrefondatrice de "la Nouvelle Science" : la "Scienza Nuova" à laquelle on ne peut manquer de se référer avec enthousiasme dès que l'on tente de réfléchir aux conditions de production des connaissances que nous sollicitons sans cesse pour agir "en raison gardant" dans un univers que nous percevons complexe !

Que cette bonne affaire éveille pourtant notre attention critique : nous ne méditerons avec G.B. Vico que plus intelligemment.

L'éditeur ne nous dit pas que la traduction de la Princesse Belgiojoso qu'il reproduit, fut publiée à Paris en 1844, pour "compléter" celle de Jules Michelet, le "découvreur" enthousiaste de l'oeuvre de G.B. Vico, dès 1823. Il ne nous dit pas qu'elle est incomplète et qu'elle reprend la première version (1725) de l'oeuvre et pas la dernière (1744). Il ne nous dit pas qu'il existe une traduction française due à A. Doubine (publiée initialement en 1953 à Paris), d'après l'édition critique complète des oeuvres de Vico en Italie due à Fausto Nicolini, qui fut sans doute le spécialiste le plus incontesté et le plu sérudit de cette oeuvre complexe ! Il ne nous dit pas enfin que cette édition (dont A. Pons regrettait en 1983, dans sa passionnante traduction-présentation de la "Vie de Giambattista Vico écrite par lui-même", Grasset, 1983, qu'elle ne fut plus disponible), fut republiée en 1986, aux éditions Nagel, Paris et qu'elle est donc à nouveau accessible ; si son prix est plus élevé (199 F.), elle présente le grand avantage d'être complète et d'être accompagnée de l'exceptionnel appareil critique établi parF. Nicolini.

Le préfacier de cette édition Gallimard Tel, Ph. Raynaud, ne nous dit rien de ce contexte, et consacre 8 des 12 pages de son texte à nous entretenir d'autres oeuvres de G.B. Vico, en effet fort importantes, ("La Méthode des Etudes de notre temps", et "De la très ancienne philosophie des peuples italiques". Oeuvres courtes, l'une traduite en français par A. Pons en 1983,l'autre par G. Mailhos et G. Granel en 1987), qu'il aurait dû demander à l'éditeur d'ajouter utilement à cette édition de poche, s'il ne voulait consacrer que 4 pages aux "Principes d'une Science Nouvelle" (Tel était le titre retenu par G. Vico : "Principi di Scienza Nuova, Napoli, 1744). Inattentions du préfacier qui incitent à discuter non seulement la forme, mais aussi le fond de son propos. Sa thèse qui fait de G.B. Vico "un critique impitoyable de l'illusion "constructiviste" (Hayek)" relève de la liberté d'opinion, mais on ne sera pas surpris si les lecteurs des "Principes de la Science Nouvelle", tant ceux d'hier que ceux d'aujourd'hui, aient une toute autre interprétation de la thèse du "Verum et Factum" (le Vrai est dans le Faire Même) et "l'audace prométhéenne" (Michelet) de celui qui afficha une auto-référence fondatrice :"L'humanité est son oeuvre d'elle-même".

J.L.M.