réinventer l'entrepreunariat

Note de lecture par ALPHANDERY Claude

Ndlr Nous remercions Claude ALPHANDERY, et L’Harmattan éditions de nous autoriser à reprendre la préface de cet ouvrage en Note de lecture Le voyage auquel Michel Adam nous convie est celui d’un historien, d’un homme de terrain et d’un sociologue qui observe et analyse la complexité de l’entreprise sans a priori réducteur. Ce livre passionnant est porté par une double trilogie. Celle de son titre, Trois Chemins pour entreprendre[1] et qui convergent : « créer mon entreprise pour moi » (primauté de l’individu) – « créer notre entreprise pour nous » (direction collective) – créer leur entreprise pour eux (action sociale) – et celle de son écriture. Celle-ci s’exprime de façon historique en nous montrant le cheminement et la coexistence pendant deux siècles de ces trois approches de l’entreprise. Elle nous raconte des expériences frappantes, exemplaires, stimulantes de croisement de ces trois façons de créer de la valeur pour soi, avec les autres, pour les autres et l’extraordinaire dynamisme de transformation dégagée lorsque ce croisement se réalise. Elle prend un tour idéologique en réfléchissant sur les fondements de ces expériences et sur leurs traits marquants : –        une certaine forme de gouvernance qui détermine les rapports internes à l’entreprise dans l’exercice du pouvoir d’expression et de décision et ses rapports externes avec l’environnement naturel et social ; –        une mutation psychologique qui détermine les comportements vis-à-vis de l’argent et la nature des relations avec les autres. Ce livre revêt une importance particulière au moment où nous traversons une crise qui ne tire pas son origine du seul dérèglement du système bancaire, de l’opacité des marchés financiers mais de la tyrannie d’un modèle se prétendant unique de l’entreprise engagée dans une course effrénée, démesurée vers le profit. Nous ne sortirons pas indemnes de cette crise. Le risque de retrouver les déséquilibres écologiques et sociaux qui l’ont provoquée peut nous conduire à de terribles régressions économiques, sociales, démocratiques. Il existe heureusement des contre-courants que ce livre observe et analyse, des mutations de plus en plus nombreuses sociales et solidaires mais qui reposent sur une gestion économique rigoureuse et sur la responsabilité d’individus fortement motivés. Ces initiatives conjuguent au départ un projet économique de production de biens ou de services et un projet éthique de répondre à l’intérêt général, souvent à des besoins insatisfaits. Ce double objet socio-économique oblige à trouver des formes d’organisation du travail, des modes de gouvernance, des méthodes de formation innovantes et souvent des créneaux d’activité originaux. Elles ne constituent pas, nous dit Michel Adam, une réponse totale, une forme unique d’entreprendre ; elles sont étroitement liées tant au marché qu’aux pouvoirs publics. De l’État et des collectivités territoriales, elles tirent différentes formes de soutien, mais elles tiennent à garder leur responsabilité et une grande souplesse d’intervention. Avec le marché, elles entretiennent de multiples échanges en qualité de fournisseurs, de clientes, de concurrentes, voire de co-traitantes tout en gardant leurs propres valeurs. Le lecteur est conduit dans un cheminement qui prend en compte la complexité de l’acte d’entreprendre, les tensions induites par l’alliance de contraintes économiques et d’exigences sociales, par une conduite démocratique et collective n’excluant pas mais renforçant l’efficacité. Loin de diaboliser la concurrence, Michel Adam cherche à la placer au sein d’un processus de coopération. Il y a sans doute une part d’utopie dans cet « entreprendre pour tous » tant la société est imprégnée de l’idéologie du profit individuel et immédiat. Mais, quand on lit dans le livre de Michel Adam le remarquable essor des initiatives solidaires, on est en droit d’espérer et on se sent le devoir d’agir pour que ces expériences élargissent leur champ et leur influence et pour qu’elles s’inscrivent largement et durablement dans une économie plurielle, dégagée de la seule finalité du profit.
[1] Titre légèrement modifié depuis la rédaction de cette préface