L'Origine du temps
Note de lecture par RIBON Pascale
L’origine du temps est un livre de vulgarisation sur l’origine de l’univers, la cosmologie. Il met en perspective l’état actuel de la science sur le sujet après avoir fait un bref survol historique. Il détaille en particulier les hypothèses développées par Stephen Hawking à la fin de sa vie, autour d’une approche quantique du big bang.
Le livre conclut au regard de ces résultats à la nécessité de prendre un tournant épistémologique vis-à-vis des fondements de la science dites moderne, en réintégrant l’homme dans le système.
L’auteur est un scientifique proche de Stephen Hawking, ayant travaillé 20 ans avec lui : il est donc émaillé d’anecdotes le concernant.
La problématique posée par le livre part de l’interrogation des scientifiques sur les raisons qui font que notre univers est si particulièrement favorable à l’émergence du vivant.
Les premiers chapitres présentent l’histoire de la cosmologie et les questions que les scientifiques ont du résoudre (ainsi que les controverses) pour avancer sur une théorie cohérente où l’observation confirme les hypothèses : relativité générale, expansion de l’univers, big bang, trous noirs, multivers, constante anthropique,….
Dans un deuxième temps, il explicite l’émergence de la physique quantique et en présente le corpus conceptuel, construit autour d’une approche probabiliste.
Ensuite, il détaille la façon dont avec Stephen Hawking, ils ont mobilisé les équations de la physique quantique, à la suite d’autres physiciens, pour construire une théorie qui résolve l’ensemble des paradoxes.
Le livre rentre dans le détail des problématiques théoriques rencontrées et les hypothèses pour les traiter, avec au fur et à mesure la création d’un corpus cohérent. Il inclut dans ce cadre des réflexions liées à la notion de temps, la théorie des cordes, la théorie holographique, ainsi que des éléments sur pourquoi cette théorie serait plus pertinente que celle des multivers.
La théorie proposée indique qu’au fur et à mesure du refroidissement au sortir du big bang, des « symétries » se sont brisées déclenchant une série de transitions qui ont produit un ensemble de lois effectives et un univers physique tel que nous le connaissons. Comme pour l’évolution biologique, de nombreuses propriétés de la physique trouveraient leur origine dans les détours accidentels de l’évolution primitive de l’univers, qui ont ensuite été figés.
Mais le vrai changement de paradigme que porte cette théorie est l’idée qu’il n’est pas pertinent d’analyser l’univers comme si nous en étions extérieurs (le point de vue de Dieu) et qu’il faut repartir d’un point de vue de l’intérieur (le point de vue du vermisseau). Stephen Hawking propose de reprendre la cosmologie en partant non pas de l’origine de l’univers mais de ce que nous observons ici et maintenant : « l’histoire de l’univers dépend de la question qu’on lui pose » ( Stephen hawking). L’univers actuel serait alors le résultat d’une multitude de tirages aléatoires liés à des confrontations à l’environnement ; ainsi notre univers tangible émerge d’un vaste horizon de possibles via un processus continuel de questionnements et d’observations et les observations d’aujourd’hui peuvent avoir un impact rétrospectif comme dans la variante de l’expérience des fentes d’Young imaginée par Wheeler, et réalisée en 1984 à l’université du Maryland.
L’auteur insiste cependant sur le fait que cette théorie n’est encore qu’une hypothèse et qu’il y a encore du travail à mener pour la valider de façon plus substantielle.
Il en montre cependant l’intérêt en lien les travaux sur les trous noirs, et la mobilisation de la théorie holographique. Les propositions théoriques de ces chapitres sont cependant assez ardues et très conceptuelles pour des gens qui ne sont pas des grands familiers de la physique quantique.
Le dernier chapitre s’interroge sur les fondements épistémologiques de notre façon de produire de la connaissance. Il fait référence aux travaux d’Anna Arendt qui considérait que l’idée centrale de la révolution scientifique moderne : l’objectivité du monde, était à la source d’une aliénation des hommes par rapport à la terre, qui a dérivé vers une aliénation par rapport au monde, à l’antithèse de l’humanisme, malgré ses succès indéniables.
Anna Arendt considérait que si nous regardons le monde d’en haut et nos activités comme si nous en étions extérieurs alors nos actions allaient perdre leur sens profond et nous allions considérer la Terre comme un objet comme les autres.
L’auteur souligne que cette théorie de la cosmologie quantique débouche sur une nouvelle philosophie de la physique qui rejette l’idée que l’univers est une machine gouvernée par des lois inconditionnelles dont l’existence est antérieure, pour le remplacer par l’idée que l’univers est une sorte d’entité auto-organisée, dans laquelle apparaissent toutes sortes de structures émergentes, les plus générales d’entre elles étant ce que nous appelons les lois de la physique. L’évolution cosmologique et biologique ne sont pas deux phénomènes distincts mais deux niveaux différents d’un même arbre de l’évolution, avec des niveaux de complexité plus ou moins fort.
Si toutes les lois scientifiques sont émergentes, l’auteur en conclu que la science pourrait alors se diversifier pour passer de l’étude de « ce qui est » à l’étude de « ce qui peut être » (IA, biotechnologie, … ).