L’homme et la Nature, une histoire mouvementée

Note de lecture par ADAM Michel

A chaque annonce de la disparition d’une espèce ou de l’épuisement de ressources naturelles, nous nous posons la question : comment en sommes-nous arrivés là ? Notre monde en crises multiples a besoin d’explications. Retracer l’histoire de l’influence de l’homme sur la nature est indispensable pour en avoir une vision globale et précise, annonce Valérie Chansigaud (CNRS) dans son avant-propos.

Puis elle nous présente un remarquable panorama historique mondial des rapports de l’homme à la Nature, à la fois accessible et passionnant, à travers un ensemble de documents variés, souvent inédits : un tour du monde en cartes pour comprendre les moments clés de cette très vieille histoire et les grandes tendances à l’oeuvre, des représentations graphiques synthétiques et claires de données chiffrées, des chronologies détaillées sur un temps long, des illustrations et des photos pertinentes.

La conquête de la terre par les premiers hommes, les grands empires antiques, le partage politique du monde à la Renaissance et les colonisations, l’industrialisation et la production de masse, la société de consommation et la globalisation, l’essor de l’écologisme et de l’environnementalisme, autant de périodes et de sujets que cet ouvrage interroge magistralement pour expliquer les enjeux auxquels nous devons faire face au regard de notre héritage. Une vision large dans l’espace et le temps. Soit de très nombreux atouts pour un livre indispensable à toute personne qui ne se désintéresse pas - ou plus - de ce sujet devenu vital. On pense aux écoles, aux universités, aux décideurs politiques, aux citoyens.


Il en ressort pourtant une tonalité pessimiste mais qui ne s’avoue pas complétement. Seule la domination, le mépris et l’exploitation – bien réelles mais pas seules réelles – de la Nature sont mis en avant et ce depuis notre apparition. La conscience « écologique » des peuples premiers est allègrement réduite à néant. Ce qui nous conduit aux points faibles d’un livre très ambitieux.

D’une part, la Nature n’est pensée qu’extérieure à l’homme. Pas traces de bactéries, de virus, de microbes et de cette Nature intérieure qui nous fait vivre et nourrir (j’allais écrire pourrir) selon les contextes et les événements. Or, ces deux dimensions s’enchevêtrent constamment comme en témoignent les épidémies, les traditions culinaires, les savoirs sur les plantes médicinales, la résistance croissante des bactéries aux antibiotiques, etc. Nature et Culture en sortent inextricablement mêlées dans toutes les sociétés, les paysages en dessinent une belle illustration. Soit ici une vision réductrice, peu complexe car séparée des deux protagonistes.

Le titre du livre en devient faible, qui aurait pu s’écrire : « une histoire qui va mal finir. ». C’est le second reproche, l’imprédictibilité de l’avenir est quasi absent de l’ouvrage tant les tendances dominantes sont lourdes et seules présentes. Quid de l’agro-écologie et de l’agroforesterie, de l’éco-construction, de la renaturation des vieilles rivières, du refus massif des OGM (en Inde notamment grâce à l’action magistrale de Vandana Shiva physicienne de renommée mondiale) et autres signaux faibles qui nous interpellent ? La balance est déséquilibrée.

Un excellent livre malgré tout pour un débat citoyen devenu impératif.