The Economy as an evolving complex system

Note de lecture par LE MOIGNE Jean-Louis

Il existe, depuis 1984, un "Institut des Sciences de la Complexité, qui fait de la compréhension des systèmes complexes un projet essentiel pour la science contemporaine. Cet institut original publie son volume V, au titre fascinant. pour rendre compte d'un colloque exceptionnel co-animé par deux Prix Nobel : P.W. Anderson (Physique, 1977) et K.J. Arrow (Economique, 1972) ; un projet ambitieux : économistes et physiciens mathématiciens ("Natural Scientists") ne peuvent-­ils s'enrichir mutuellement de leurs progrès méthodologiques, dès lors qu'ils tiennent pour "complexes" les systèmes (naturels ici, économiques là) qu'ils étudient ? En pratique, bien sûr, la question était surtout : ne peut­on renouveler un peu le discours de la science économique en l'invitant à considérer de plus près quelques unes des jolies mathématiques et informatiques qui se sont développées ces dernières décennies : théorie du chaos, théorie de la dynamique des systèmes non linéaires, théorie de la computation. théorie informatique de l'apprentissage, théorie des réseaux neuronaux, etc. Exercice qui séduit fort les économistes mathématiciens à l'affût de quelques nouveaux articles permettant de proposer quelques habits neufs à un corpus théorique tenu pour perfectionniste plutôt que créatif. Exercice intéressant bien sur par la dynamique usuelle de toute rencontre multi­disciplinaire confraternelle. Sur le champ, on a certes l'impression décevante de lire des producteurs de méthodes cherchant des problèmes "réels" auxquels ces méthodes pourraient s'appliquer, plutôt que des acteurs affrontant des problèmes complexes et cherchant des méthodes pour les comprendre sinon pour les résoudre ! Mais on sait que la chimie de la recherche se développe volontiers dans ces situations contradictoires. On est sans doute tenté de s'étonner de la superficialité des rares échanges épistémologiques explicitant la "conscience de la complexité" que partagent les participants. Mais on doit admirer l'effort de lucidité des physiciens interrogeant les économistes : en trois questions dont la pertinence semble incontestable (p. 258, Discussion pleinière finale) : 
1 : Pourquoi les économistes sous-estiment­ils ou ignorent­ils le rôle des forces psychologiques, sociologiques et politiques dans les systèmes économiques ?
2. La théorie des anticipations rationnelles avec prévision infinie apparait évidemment fausse. Pourquoi est­elle si bien acceptée ? 
3. Est­ce qu'un système peut adéquatement modéliser l'innovation ?
Les "réponses" des économistes ­ ou plutôt leurs commentaires sur Ieurs espoirs de pouvoir un jour répondre à ces questions ­ sont scrupuleusement reproduites : la réduction de la complexité à la complication semble encore constituer le coeur de l'argument !
 La modélisation de la complexité comprise dans sa complexité, n'est pas encore familière ! Il reste que ce type d'échange ouvert et relativement aisément accessible, contribue précisément à cette réflexion... ; en la suscitant, certes, mais aussi en la nourrissant. Le seul Français présent au Colloque de Santa Fé était le mathématicien D. Ruelle ("Can non linear dynamics help Economics") dont les travaux sur le chaos organisateur enrichissait il y a peu la réflexion d'Edgar Morin plaidant pour le renouvellement des paradigmes (colloque CNRS 1990 sur 1'Interdisciplinarité, p. 28).