1. La négation, sous ses divers aspects (Colloque de Neuchatel, 1987), 2. La négation, son rôle dans l'argumentation et le raisonnement (colloque de Neuchatel 1990)

Note de lecture par LE MOIGNE Jean-Louis

Les contributions du Centre de Recherches Sémiologiques de Neuchatel (fondé en 1970 par J.B. Grize) à notre intelligence du raisonnement sous toutes ses formes, constituent une des sources les plus fécondes que je connaisse pour nos entreprises de modélisation réfléchie de la complexité. N'est-ce pas par le discours que nous produisons nos représentations présumées intelligibles des phénomènes complexes, sans jamais savoir si cette complexité est dans "la nature des choses" ou dans les schématisations langagières par lesquelles nous y accédons ? Quoi de plus complexe par exemple, quela négation, cette notion que le logicien tient pour "admirablement simple"! (Quine,1978) et que nous ne pouvons construire sans la connaître rappelle M.J. Borel (vol. 2 p.3) ? En consacrant à la Négation et à ses fausses soeurs jumelles que sont la contradiction et l'exclusion, deux riches colloques dont ces dossiers rendent compte, le Centre de Neuchatel nous livre de riches réflexions sur quelques questions qu iétonnaient Aristote et que nous oublions trop volontiers dans nos cultures et nos pratiques réductionnistes et simplificatrices. A quoi sert-il de se réclamer de la rigueur logique et de l'objectivité scientifique si c'est pour "faire l'impasse" sur l'insupportable assimilation du riche contraire au vide néant (ce non-être) ? Relisons Aristote, dans le texte, recommandent L. Frey (vol. 1) et J. Gasser ; (vol. 2) pour recompléxifier un peu notre capacité à raisonner autrement qu'en annonçant "tous les hommes sont mortels" ! Les participants du troisième séminaire MCX d'Aix en Provence trouveront par exemple dans le vol. II, le texte développé de la passionnante intervention de J.P.Desclès sur "la double négation dans l'Unum Argumentum de Saint Anselme analysé à l'aide de la logique combinatoire", exemple remarquable d'un raisonnement complexe écrit en 1078 ! Que ces riches réflexions sur la Négation nous conduisent à la décourageante conclusion que, sur ce thème aussi, nous n'avons pas beaucoup progressé depuis Aristote, vous surprendra peut-être ? Elle nous vaut au moins de mieux prendre conscience de la forrnidable fragilité des deux axiomes formels sur lesquels la rigueur scientifique se déclara trop souvent fondée, le principe de néantisation (hélas appelé de non contradiction) et le principe de disjonction (le principe du tiers exclus) qui bannissent encore des champs du raisonnement scientifique le droit à la conjonction cognitive qui parfois nous livre quelques clefs pour l'intelligence de la complexité. Conclusion que je tire de ces riches lectures, mais qu'aucun des intervenants ne ferait sans doute sienne, au moins explicitement.