
Edgar Morin - Le Monde - Hors série
Sociologue du temps présent et penseur fraternel, Edgar Morin est un braconnier du savoir pour qui la philosophie doit être un antidote aux œillères de l’esprit. Du phénomène yéyé à l’impératif écologique, il a offert des repères à nos temps déboussolés, sans peur de la « complexité » et des contradictions de la condition humaine, forgeant une éthique de l’incertitude et plaidant pour une symbiose des civilisations. A l’aube de son centième anniversaire, Le Monde se penche sur l’œuvre et la vie de ce fils du siècle.
Le Monde, Hors série. 124 pages
Présentation de l'ouvrage
Présentation par l'auteur de rédacteur en chef du Hors série
Il aura 100 ans le 8 juillet et a parcouru tous les domaines du savoir, vécu intimement les extases de l’histoire. Théoricien de la connaissance et héros de la Résistance, dissident du stalinisme et infatigable promoteur du « principe espérance », anthropologue de la mort et sociologue du temps présent, Edgar Morin est un touche-à-tout universel.
Né en 1921, il est un enfant du siècle. Résistant, notamment dans le réseau de François Mitterrand, il s’est opposé aux carcans de l’esprit et à certaines formes d’engagement. Contre une raison réduite au calcul, une science sans conscience, une séparation des connaissances universitaires, il propose de relier les savoirs, d’enseigner la transdisciplinarité, de réformer notre pensée.
A rebours d’une certaine militance qui l’a conduit lui-même à certaines erreurs et errances, il forge une éthique de l’incertitude et plaide pour une politique, une métamorphose, une symbiose des civilisations. Solidaire des humiliés et des offensés, il sait pour cela prendre des coups et connaît le prix qu’il faut payer afin de rester fidèle à ses idées.
D’auteur minoré à savant respecté
Un mot lui est accroché, celui de « complexité ». Car Edgar Morin est l’artisan d’une pensée capable de lier la connaissance des parties à celle du tout. Aujourd’hui, de nombreux ouvrages, colloques et cursus d’universités lui sont consacrés, en particulier à l’étranger où ce penseur de l’ère planétaire est très largement plébiscité. En France, Edgar Morin est pourtant longtemps resté un auteur minoré, avant d’être un savant respecté et parfois même une caution recherchée.
Comme l’illustrent les textes, débats, entretiens, documents et notions présentés dans le hors-série du Monde « Edgar Morin, le philosophe indiscipliné », il a saisi son époque avec sagacité, su capter l’essence des événements, les inscrire dans la longue durée. En témoigne notamment un commentaire de La Marseillaise, « un hymne d’éveil et de résistance qui a valu pour les résistances qui ont suivi, qui vaut pour celles que nécessite notre temps, et qui vaudra pour les résistances futures », écrit-il. Ou une interview accordée au Monde après « l’horreur de la criminelle décapitation » de Samuel Paty dans laquelle il analyse l’opposition entre « la France identitaire et la France humaniste ».
Du phénomène « yé-yé » à l’impératif écologique, il offre des repères pour nos temps déboussolés. Il montre aussi que l’homme est pétri de contradictions et, entre raison et déraison, qu’il lui est possible d’inventer un autre destin, d’emprunter d’autres chemins. Fidèle à son adolescence et marqué par ses blessures d’enfance, Edgar Morin demeure avant tout un intellectuel rimbaldien. Pensée complexe ou « Terre-patrie », ce braconnier du savoir déploie une philosophie comme un antidote aux œillères de l’esprit, une perpétuelle invitation à « changer la vie ».