Un regard rétrospectif sur la façon dont la théorisation conventionnelle a modelé le champ de connaissances en sciences du sport et les usages de celles-ci, nous amène à constater que nombre de modèles contemporains consacrés à l’explication de la performance humaine en sport sont en décalage - voire en opposition - avec ce qu’en disent les acteurs sportifs et leur encadrement. Bien peu se reconnaissent pleinement dans les visions analytiques et causalistes portées par les sciences du sport, trop souvent éloignées de leurs besoins et attentes ainsi que de leur approche en situation vécue de compétition. Les process de réussite sont par ailleurs trop souvent présentés comme une suite de performances individuelles alors qu’ils résultent d’une organisation éminemment collective.
Alors, loin de voir la performance uniquement sous l’angle des métriques objectivantes usuelles (distance, durée, rang, nombre de …), je propose de la considérer comme une « œuvre ». Sensibles aux réalités concrètes, aux expériences vécues, cette œuvre est par nature complexe, contingente, singulière, peu prédictible, … mais malgré tout, souvent viable et efficiente dans le contexte et la temporalité où elle est produite et/ou appréciée.
Ce constat incite à questionner le point de vue des sciences conventionnelles de l’entraînement qui dans un cadre positiviste strict, privilégient les approches analytiques qui disjoint des réalités inséparables réduisant ainsi les dimensions du réel et accordent peu de poids à l’expérience, aux interactions continues et récursives entre les différents acteurs et éléments de la performance.
Ndlr. Nous avons demandé à Philippe Fleurance de nous aider à réfléchir sur l'Intelligence de la complexité de l'entraînement sportif"à partir de ses responsabilités dans ces domaines d’une ‘Science du Sport’ qui émerge dans nos cultures contemporaines. Pour introduire ces réflexions, nous pouvons nous aider de la discussion qu’il a présenté aux Entretiens de l’INSEP de 2006. L’argument de cette rencontre était celui de la problématique de plus en plus prégnante d’harmonisation entre l’émergence des questions environnementales, territoriales ou globales, et les développements des pratiques sportives liées au spectacle sportif ou aux activités de loisirs.
Son expérience (dans le domaine de l’entrainement des sportifs de haut niveau) le conduit à retrouver et à explorer les problématiques de l’action collective en situation complexe dans des termes qui concerneront bien d’autres domaines. C’est ce qui nous a incité à lui demander de reprendre son texte avec quelques amendements mineurs, pour éclairer de façon fort stimulante, d’autres facettes de ces problématiques. Quelques lignes extraites des dernières pages de son texte le feront percevoir :
« …Comment prescrire et réguler l’action au plan microscopique et local sans supposer au moins, un minimum d’autonomie des pratiquants Dans ces situations marquées par la complexité, la recherche de légitimité par une référence excessive à la connaissance scientifique « académique » concernant les conduites humaines trouve ici ses limites. Il faut bien réintroduire les acteurs – parties prenantes - qui détiennent des connaissances plus intimes liées à des pratiques dont la durée est souvent conséquente. Le paradigme alternatif de la « confiance sociale mutuelle » met donc en avant le rôle des acteurs porteurs de leurs propres enjeux et savoirs, dans la définition et la gestion de la pratique. … » .