L'atelier 6 "Complexité et éducation" a pour l'instant deux orientations, qui sont bien sûr complémentaires (et pas nécessairement exhaustives) :
Le travail entendu comme acte intentionnel de transformation du monde qui nous entoure - la matière, le vivant, l'information - est un fait humain total. Il irrigue la vie de l'être humain de sa naissance à sa mort, comme un phénomène complexe, intime et vital à la fois. Il a besoin d'être approché dans sa complexité par une multiplicité de regards empruntant à de nombreuses disciplines. Il peut d'abord être questionné dans ses rapports multiples avec l'emploi, dans une période où celui-ci perturbe gravement celui-là ; et pour fonder l'ingénierie de nouveaux rapports travail - emploi. Il peut ensuite être repéré dans ses différentes formes au sein de l'association, terrain d'expérience de légitimités multiples à conjuguer. Il peut aussi se transformer en emploi par le travail spécifique d'un/e créateur/trice d'entreprise, et ce par des chemins variés, pour soi, pour nous, pour eux. Il ne peut enfin sans doute pas se passer du travail d'un ou de plusieurs autres. La coopération est l'avenir du travail pour un monde plus vivable. « Plaisir de faire », « Faire avec », « Faire ensemble »... Inventons leur reliance, chemin faisant.
L'atelier MCX 12, (Auto-organisation des systèmes socio économiques) a repéré la parution de l'ouvrage collectif consacré par l'EAEPE aux implications pour l'économie politique de la reconnaissance de la complexité des phénomènes économiques : "COMPLEXITY AND THE ECONOMY. Implications for economic policy", J.FINCH & M.ORILLARD (eds). On y trouvera en particulier des études de R Delorme interrogeant WB Arthur (avec G Hodson), de J L Le Moigne (complexity needs strategy first rather than simplification) et un texte d'introduction de J Finch & M Orillard.
Lien Internet : Mouvement des étudiants pour une réforme de l'enseignement de l'économie
Les systèmes socio-économiques sont trop complexes pour etre simplifiés, et pourtant nous pouvons les comprendre "
Les étudiants en sciences économiques ont commencé à réagir à l'académisme de leurs enseignants , en leur rappelant que H.A.SIMON s'indignait déjà il y a 15 ans. Ne peut on le lire enfin ? : "Si elle [ la théorie micro-économique standard ] est fausse, pourquoi ne pas s'en débarrasser ? Je pense que les manuels sont scandaleux. Je pense qu'exposer de jeunes esprits impressionnables à cet exercice scolastique, comme s'il disait quelque chose sur le monde réel, est scandaleux. " (Herbert Simon, prix Nobel d'économie, in Models of bounded rationality, vol. 3, 1997, p. 397). La visite du site conçu par "le mouvement des étudiants pour une réforme de l'enseignement de l'économie" mérite le détour , même si il est encore bien timide dans sa critique épistémologique interne de la discipline. http://www.autisme-economie.org/
Jean-Louis Le Moigne aime à nous rappeler cet extrait des Cahiers de P. Valéry : " Il n'y a ni temps, ni espace, ni nombre en soi(...) il n'y a que des opérations, c'est à dire des actes(...)" L'occupation du territoire constitue pour tout être humain un tel acte livré dans son entier ; un implexe, " unité d'action indécomposable, irréductible pourtant à un élément unique " ; une double épissure qui tresse " un être de nature, un être de culture, des espaces et des temps " sans qu'il soit très aisé de pouvoir suivre le chemin de chacun des torons qui les composent. Il ne me paraît donc pas illégitime de postuler que l'acte d'habiter relie 1) le territoire nourricier, la niche, la cache, 2) l'espace existentiel et poétique, 3) l'espace économique, social, politique, etc., et que chacune de ces empreintes s'inscrit dans des temps intime, cyclique, entropique, téléologique, etc. Le rapport à l'espace-temps relève tout à la fois du projet finalisé, finalisant et se finalisant dans un environnement actif local-global, intime-universel, naturel-culturel. D'où peut-être les difficultés surprenantes et décourageantes auxquelles sont confrontés toux ceux qui pensent et développent des politiques spatiales, quelles que soient leurs échelles. Prenons un exemple concret. L'université de Bretagne Sud, créée depuis 4 ans, ne cesse de réaménager ses locaux, bousculant les fiefs et les tanières au profit de nouveaux arbitrages. C'est ainsi qu'il a été décidé d'attribuer l'espace de la bibliothèque à un centre de recherches et d'exporter cette dernière dans un quartier populaire à quelques centaines de mètres de là . Décision débattue, combattue et emportée au sein de l'Université avec les politiques locaux, sans la moindre concertation avec les habitants du quartier voisin. Décision qui a conduit récemment, des universitaires et des élus à venir, en toute bonne foi, présenter les bienfaits de ce projet aux habitants concernés : le développement d'un espace culturel, ouvert à tous, étudiants et résidents, 7 jours sur 7, de 9h à 22h. Leur " générosité " n'eut pas d'autres échos que de violentes manifestations de rejet des habitants, sourds à leurs injonctions culturelles et citoyennes, mettant en avant des problèmes très " terre à terre " de stationnement, de bruit, ainsi que leur crainte d'être envahis (Certains anticipant du reste avec beaucoup de sagacité une possible extension du projet, déjà envisagée, mais prudemment tue). A une logique spatiale, exprimée par les canaux administratifs, culturels et politiques, s'est opposée une autre logique spatiale qui pourrait relever de l'éthologie, mais aussi d'une autre culture : la création de la bibliothèque prend la forme d'une violation territoriale, d'autant plus mal reçue qu'elle est perçue comme s'inscrivant à la suite d'une longue série de déterritorialisations imposées. La lecture du livre de K. Lorenz, L'agression, donne matière à réflexion sur les processus de territorialisation : qui penserait spontanément que le chant du rossignol et les couleurs étonnamment vives des poissons de coraux sont d'abord des signatures d'espace. F. Guattari et G. Deleuze s'en sont inspirés pour proposer le concept de Ritournelle : l'enfant dans le noir se rassure en chantant ; on sifflote en aménageant son espace, en le quittant ou en le rejoignant, etc. Le chanteur de rap et le grapheur marquent de leurs rythmes et de leurs peintures les rues de leurs banlieues : manifestations d'êtres de nature ou de culture, les deux probablement. L'actualité nous offre chaque jour, trop souvent sous forme de catalogues thématiques, des exemples des difficultés croissantes que pose l'habitabilité du territoire : comment articuler au sein d'un même système espace intime, terroirs, pays, régions, espace républicain, construction européenne, mondialisation ? A quelles conséquences insoupçonnées s'exposent-on si nous ne traitons de l'espace qu'avec un nombre trop restreint de paramètres juxtaposés : économiques, administratifs, sociologiques, etc.? Comme nous le rappelle si bien Saint-Exupéry, à propos du désert : " L'aborder ce n'est point visiter l'oasis, c'est faire notre religion d'une fontaine. " Comment introduire la phénoménologie des valeurs d'intimité de l'espace de G. Bachelard dans les cartons des aménageurs ? S'est-on déjà intéressé à ce que nous perdions lorsque l'on remplaçait un chemin creux, fleuri et incertain, par une autoroute sûre et balisée, quand on sait par ailleurs qu'il est raisonnable de construire cette autoroute ? Bref comment installer la réflexion sur l'habitabilité du territoire dans " son empire du milieu ", ce domaine de la territorialité où se nouent et se tissent les natures-cultures-espaces-temps ? Comment l'aborder, non plus à partir des objets produits par des pôles excentrés, mais à partir des métissages et des tissages qui s'offrent aux citoyens quotidiennement ? Comment produire un discours opératoire et pragmatique qui associe, sous le triple mode de la complexité, antagonisme, concurrence mais complémentarité -, les croyances et les savoirs de l'éthologue, de l'anthropologue, du géographe, du psychologue, de l'économiste, de l'historien, etc. ?
Penser la profonde recomposition des territoires à l'oeuvre dans les sociétés contemporaines appelle un renouvellement d'envergure de nos de représentation. Conçu comme un " construit " multidimensionnel par les acteurs qui le constituent, le territoire n'a plus la nature objectale que nos représentations traditionnelles lui prêtaient et les discours permettant d'en rendre compte ne sauraient sans naïveté s'inscrire dans l'objectivité. Si le territoire est un " construit " il appelle une connaissance constructiviste. Mais cette posture épistémologique ne saurait suffire. La saisie et l'intelligibilité des phénomènes territoriaux semble de plus en plus nécessiter le recours à un appareil conceptuel apte à restituer, de manière non mutilante, la diversité, la multiplicité et l'enchevêtrement des actions, des relations et des processus qui y sont à l'oeuvre. Certes, des outils déjà constitués existent dans des champs disciplinaires différents et présentent une indéniable pertinence - le système d'action concret en sociologie ou les modes de coordination en économie par exemple. Cependant, d'une part, l'intelligence concrète des phénomènes territoriaux ne saurait valablement se satisfaire d'éclairages disciplinaires qu'on se contenterait de juxtaposer sans véritablement articuler. Elle implique une connaissance construite dans l'inter voire la transdisciplinarité que seule la démarche systémique peut aujourd'hui autoriser. D'autre part, ces outils sont, en l'état, incapables de prendre en compte les dialogiques actives dans les phénomènes territoriaux telles que celles qui associent l'actualisation et la potentialisation, l'ordre et le désordre ou encore, entre autres, l'ouverture et la fermeture. Elles sont pourtant nécessaires pour appréhender les questions telles que celles du projet, de l'identité et de la gouvernance qui concernent aujourd'hui tant les chercheurs que les acteurs territoriaux. Pour ces raisons la systémique complexe apparaît comme une référence théorique majeure, mobilisable pour l'étude des phénomènes territoriaux mais impliquant un véritable travail d'opérationnalisation qui fait souvent défaut. Il s'agit bien là de la justification scientifique de l'atelier " Antropolitique et gouvernance des systèmes complexes territoriaux ". Dans le champ des sciences sociales la communication et, plus encore, le travail interdisciplinaires restent à construire. Une conception constructiviste et complexe du territoire peut constituer une matrice pertinente de cette intelligence dépassant les morcellement disciplinaires. C'est dire que l'atelier proposé a pour vocation à accueillir les chercheurs de toutes les disciplines des sciences de l'homme et de la société sans exclure la contribution, toujours nécessaire, de ceux qui travaillent dans les sciences de la nature. L'ambition de l'atelier est de faire émerger du débat non seulement la conscience de la nécessité d'une connaissance interdisciplinaire des phénomènes territoriaux mais aussi des projets de recherche concrets correspondant à cette perspective. C'est à cette aune exigeante que devra être évalué le travail effectué et le processus envisagé. Mais on ne saurait méconnaître les disciplines constituées et le pouvoir qu'elles ont dans l'orientation de l'activité scientifique. Il apparaît impératif aujourd'hui de travailler à crédibiliser les recherches recourant à la systémique complexe dans les champs scientifiques constitués faute de quoi le développement, voire la pérennité, de ces démarches et des chercheurs qui les pratiquent seraient lourdement hypothéqués. Cette articulation avec les instances de la production scientifique académique doit être pensée sur un mode stratégique. Il est proposé dans cette perspective d'associer aux réunions du futur atelier le comité de recherche n° 5 " Systèmes complexes et politiques territoriales " de l'Associa-tion internationale des sociologues de langue française (AISLF) co-animé par Simon Laflamme et Pascal Roggero. Il est aussi prévu de créer une revue franco-canadienne de sciences sociales devant permettre une diffusion internationale des travaux réalisés, par les membres de l'atelier ou d'autres chercheurs, dans cet esprit.
Cet «Introuvable de H A Simon en langue française » (N° 8) reprend la traduction du petit ‘Manifeste’ affiché par H Simon et ses deux collègues A Newell et A Perlis le 10 juillet 1967 à la porte du département ‘Computer Science‘ (Pittsburg) qui venait d’être officiellement constitué à l’université Carnegie – Mellon. Il fut initialement traduit par JL Le Moigne et publié dans le N° 21 de la Revue AFCET-Interfaces, juillet 1984. Il documentait une controverse initialisée peu avant dans la même revue (N°17 mars 1984) sous le titre : ‘l’informatique est-elle une science ?’. On peut légitimement le considérer comme une contribution essentielle à légitimation épistémologique de la science informatique (qu’il serait plus judicieux d’appeler la science computique). Le texte original anglais (référence 302 dans la bibliographie CMU de H Simon) fut ensuite publié sous la forme d’une « Letter to Science », dans ‘Science’, 1967, 155,( 1373-74)
Lors du Colloque de Viseu « Complexité, Valeurs et Education du Futur, autour de l’œuvre d’Edgar Morin » (http://30anos.ipiaget.org/ )organisé par ‘l’Instituto Piaget’ le 22 Mai 2009 pour son trentième anniversaire sur son Campus Universitaire avec la participation d’Edgar Morin, notre amie Françoise BIANCHI a présenté une étude particulièrement intéressante sur la formation du ‘chemin vers un « enseignement éducatif » à travers l’œuvre immense d’Edgar Morin. Peut-on le présenter en reprenant quelques lignes de son introduction ? :
Dans sa dédicace à « Relier les connaissances », Edgar Morin m’écrivait : Voici « la deuxième partie de mon cycle pédagogique ; la troisième arrive. » Et dans l’Avant-propos, il présente ‘Les Sept savoirs’ comme « l’ultime d’une trilogie pédagogique ». Cette œuvre immense, qui débute à la moitié du XX°siècle, trace donc ainsi, après les six tomes de la Méthode, un chemin vers un « enseignement éducatif …. Je souhaiterais plutôt interroger la genèse du cycle pédagogique morinien, les jalons qui figurent dans l’œuvre antérieure, les racines de ces propositions dans l’œuvre et la vie d’Edgar Morin, sans en oublier l’objectif général, les finalités - et j’examinerai le contenu de cette trilogie : La Tête bien faite (mai 1999), Relier les connaissances (octobre 1999), Les Sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur (septembre 2000). … ;
Nous remercions Françoise Bianchi et nos amis portugais de l’Instituto J Piaget de leur accord pour donner ici à nos lecteurs la primeure de cette vivifiante reliance de la genèse de l’Œuvre et de la formation d’un ‘enseignement éducatif’.
Par quel « langage » saisir la conception architecturale : métalangage ou usage métalinguistique du langage ?
Le titre de l’article que Jane Quillien consacre au dernier Christopher Alexander, Saisir l’insaisissable*, caractériserait bien la recherche grammaticale du ‘second’ Wittgenstein qui a suivi l’autocritique du Tractatus. Mais la continuité que parfois soulignée entre ‘premier’ et ‘second’ Wittgenstein évoquerait aussi celle d’un ‘premier’ Alexander, celui des Notes sur la synthèse de la forme, à un ‘second’, celui des ouvrages que commente J. Quillien. Entre exigence logique ou mathématique des ’premiers‘ et description ‘grammaticale’ des seconds se profilent des philosophies continues. Mais l’analogie bute sur ce qu’on entend par ‘langage’, ‘usage métalinguistique du langage’ et ‘métalangage’ pourtant indispensable à toute théorie.
*Toute l'?uvre de WR Ashby, le père du célèbre ?Principe de Variété Requise' (An Introduction to Cybernetics (1956), est maintenant aisément accessible sur la toiole grace à la remarquable réalisation du Site The W. Ross Ashby Digital Archive.