L'aménagement du territoire vu de 2100

Note de lecture par LE MOIGNE Jean-Louis

Il paraît qu'il serait "plus facile de cerner les grands mouvements séculaires que de prédire les fluctuations proches". Sur cette croyance facile que bien peu d'arguments étayent (pas plus qu'ils n'étayeraient l'hypothèse inverse !), les prospectivistes de la vieille école peuvent s'en donner à coeur joie et écrire des scénarios de science-fiction plausibles qu'ils baptisent scénarios de prospective pour l'an 2100. En cent petites pages, on a la liberté de simplifier sans scrupule et on n'est pas contrait de s'interroger sur le sens de ce qu'on fait : la troisième Révolution sera cognitive ou télématique, et pour sauver la France, il faudra construire une nouvelle capitale entre Vierzon-Bourges et Issoudun, avec TGV et aéroport (pour que les hauts fonctionnaires ne travaillent plus dans les anciens hôtels particuliers dorés de la noblesse d'ancien régime ! Comme si les "Finances" travaillaient mieux depuis qu'elles sont à Bercy !). On vous l'assure, il faut faire simple pour que le bon peuple comprenne et participe ! Peut-on espérer que la nouvelle Prospective, méditant sur les errements de l'aménagement du territoire, se renouvelle assez pour s'intéresser à la façon d'aménager, jour après jour, plutôt qu'à la description futuriste d'hypothétiques lendemains qui chantent ? H.A. Simon a proposé il y a quinze ans quelques idées de base pour une telle "prospective procèdurale" qui se libérerait enfin de la culture saint-simonienne et polytechnicienne qui imprègne depuis quarante ans le discours des aménageurs. Aménageurs, "il n'est pas de chemin qui conduise à cet an 2100 dont vous rêvez et auquel vous voulez nous condamner au nom de mystérieux déterminismes historiques... Apprenons plutôt ensemble à construire pas à pas un chemin qui n'a d'autre but que de permettre notre marche collective et réfléchie. Et si en 2100, la "banane des mégalopoles" (Londres-Milan) que vous nous prédisez s'efface au profit de la "Diagonale Aride" (Estrémadure - Basse Saxe) que vous décrivez déjà, nos enfants n'en seront pas forcément plus malheureux. Mais, convenons-en, il faudra pour cela que nous et eux nous accoutumions à une pensée plus complexe et moins extrapolatrice que celle de prospectivistes de la première génération.

J.L. Le Moigne