COMPLESSITA, Vol. 1-2, an 2012

Note de lecture par BIANCHI Françoise

Ndlr : à l’initiative du « Centro Study di Filosophia della Complessita “Edgar Morin », la Revue Complessita qui parait depuis 2006, se présente comme un ‘luogo di riflessione sulle problematiche relative alla formazione culturale ed etica’.
Le Numéro double qu’elle a consacré en 2011-2012 à l’œuvre d’Edgar MORIN  méritait à bien des titres que nous y prêtions attention. Nous remercions notre amie Françoise BIANCHI, auteure notamment d’une ‘
Eco biographie intellectuelle d’Edgar Morin : Le Fil des idées’ (ed Seuil 2001. (Fil des idées qui tresse les 50 premières années de l’homme et de son œuvre, en les insérant dans leurs multiples contexte), de nous présenter ce riche numéro double de Complessita en langue française.
Cette remarquable fresque polychrome de  l’œuvre d’E Morin et de son rayonnement contemporain devient ainsi accessible aux lecteurs francophones qui ne maitrisent pas assez la langue italienne, par la Note de lecture qu’on va lire :Elle nous offre une stimulante occasion de disposer de quelques ‘autres regards’, éclairés par les lumières de la Méditerranée.


On connaît la vitalité des études moriniennes à l’étranger – en Europe (Espagne, Italie, Portugal), en Amérique latine  (notamment Argentine, Brésil, Chili) et jusqu’en Extrême-Orient. Un témoignage supplémentaire et passionnant de surcroît nous en est ici donné par la Revue du Centre d’étude de la philosophie de la complexité d’Edgar Morin, sous la direction scientifique du Professeur Giuseppe Gembilio du Département de philosophie de l’Université de Messine, en collaboration avec l’Institut italien des études philosophiques de Naples et la Fondation « Bonino-Pulejo » de Messine. Ce numéro de la Revue Complessità, anno VI se veut une synthèse très complète de la pensée d’Edgar Morin dont le parcours autorise une lecture rétrospective de l’ensemble de l’œuvre et de la genèse de « la pensée complexe », même si le premier défi d’une telle publication résidait d’abord dans le choix des œuvres retenues pour un tel projet, ensuite dans celui des recensions qui l’accompagnent. C’est ce que souligne le Professeur Gembilio dans son intervention liminaire, Pourquoi Edgar Morin, en insistant sur le fait qu’on n’a pas à se justifier de consacrer un double numéro à ce penseur, « un des plus Grands Maîtres de notre époque », et qu’au-delà de l’occurrence de son quatre-vingt-dixième anniversaire, il y a surtout le « devoir » de poursuivre la mission même qu’il s’est donnée d’ouvrir « la voie de l’avenir de l’humanité ». D’où le projet de convoquer des voix multiples et des points de vue divers qui vont, dans le tome I, des Discours de réception à la distinction honorifique Honoris causa prononcés par Girolomo Cotroneo, Pour Edgar Morin, et Mauro Cerruti, Eloge d’Edgar Morin, distinction conférée au penseur par l’Université de Messine en philosophie (2002) et par l’Université de Bergame (2003) en sciences de l’éducation, à la mise en résonnance d’un texte d’Edgar Morin, Pour une pensée du Sud, avec « L’Appel  pour le Sud » signé par un groupe de réflexion de Rio de Janeiro en 1911. Suivent sept chapîtres consacrés à l’analyse du Grand Œuvre des sept tomes de  La Méthode par des spécialistes : Giuseppe Gembilio pour le tome 1, La Nature de la Nature, Giuseppe Giordano pour le tome 2, La Vie de la Vie, Giuseppina Noto pour le tome 3, La Connaissance de la Connaissance, Emilio-Roger Ciurana pour le tome 4, Les Idées, leur vie, leur habitat, leurs mœurs, leur organisation, Sergio Manghi pour le tome 5, L’Humanité de l’Humanité, Constanza Altavilla pour le tome 6, Ethique, et Annamaria Anselmo pour le tome 7, La Récursivité de La Méthode, encore inédit. Dans le tome II de ce numéro de Complessità que j’ai pu consulter et intitulé Discussions, on peut repérer trois grands axes selon lesquels s’organisent les interventions : celles qui proposent une lecture rétrospective d’une œuvre d’Edgar Morin, celles qui en proposent une lecture génétique, celles enfin qui confrontent les positions du penseur au travail d’autres intellectuels. Lecture rétrospective que celle de Chiara Simonigh, « Le Cinéma et l’homme imaginaire et Les Stars. A l’origine de l’esthétique complexe » (p.278) , qui prend pour référence les tomes 3 et 6 de La Méthode, La Connaissance de la Connaissance et Ethique ;  elle montre en effet comment les outils conceptuels du tome 3 se trouvent comme à « l’état latent » dans l’analyse des processus de « projection-identification » à l’œuvre dans le cinéma, de même que  « la fonction cognitive de la pensée symbolique, mythologique, analogique qui fonde l’esthétique », une esthétique complexe,  à la double fonction « idéologique » et « existentielle », et qui révèle même « le potentiel éthique de l’esthétique », si l’on se réfère au concept de résilience . Edvige Galbo, elle, dans « Enquête sur la métamorphose de Plodémet. Proximité et distance » (p. 389), montre comment s’y élabore déjà une méthode complexe d’observation et d’intervention, avec notamment la prise en compte de la place de l’observateur dans l’observation, et la nécessité d’une réflexion sur la connaissance de la connaissance. Enfin, Cesare Natoli, dans «L ‘esprit du temps. Nouveaux horizons de la sociologie » (p. 466) souligne le caractère « brillant » de cette analyse de la culture de masse (…) qui se révèle d’une absolue pertinence dans le climat social et culturel des années soixante-dix et garde intacte sa valeur jusqu’à nos jours », puisqu’elle met en lumière la  « crise gigantesque » qui se profile pour l’humanité, « crise de l’individualisme bourgeois et de la civilisation ». A la jonction des deux types de lectures signalés plus haut, figure l’analyse de Carmelo Casella,  dans  « Mes Démons : les obsessions qui ont jalonné son chemin » (p. 347) ; elle fait remarquer que cet ouvrage d’Edgar Morin à caractère autobiographique est « parfaitement articulé à la réflexion sur l’épistémologie complexe », puisque « ce n’est pas une narration intégrale à la structure cumulative et linéaire », mais un travail d’ « introspection et de rétrospection », qui met en évidence quelques « éléments autobiographiques clefs » constituant  le « nœud gordien de son activité et de sa théorisation en temps qu’être humain, citoyen et chercheur », ce qui nous renseigne ainsi sur sa manière de créer, dans un rapport d’ interaction et de rétroaction avec des circonstances particulières et privées, articulées à quatre pôles, « le doute, la foi, le mysticisme et la rationalité », lesquels constituent dans l’expérience concrète sa « constellation intellectuelle et son exigence éthique autant qu’épistémologique ». A ces lectures rétrospectives s’ajoutent des lectures génétiques de l’œuvre. L’articulation de ces deux types de lectures prend tout son sens avec la communication de Fabio Gembilio, « Le Paradigme perdu. Le virage méthodologique de Morin » (p. 321). Après « l’expérience américaine » qui lui a fourni de nouveaux outils grâce à « la découverte de la cybernétique, de la théorie de l’information, de la science cognitive », l’ouvrage constitue le « saut épistémologique » permettant de reconstruire le paradigme perdu de la nature humaine, nature biologique et physique d’un être « non seulement sapiens mais aussi demens » ; un ouvrage qui pose l’exigence d’une pensée transdisciplinaire ainsi que d’une méthode nouvelle dont Le Paradigme perdu pourrait constituer « une branche précoce »  pour l’élaboration d’une « politique de l’homme ». De même, pour Mara Springer-Maldonato, dans « Science avec conscience. Le texte implicite de la complexité » (p. 305) ce recueil de textes doit se lire comme « le laboratoire d’idée (…) du paradigme de la complexité » et par là même de « l’éthique de la science », la « scienza nuova » qu’Edgar Morin élabore selon « les neuf commandements de la complexité ». C’est dans cette perspective, que Maria Laura Giacobello, situe « Le défi de la complexité. La complexité retrouvée » (p. 331) ; Edgar Morin y examine comment les fondements de la science classique ont été remis en question par les sciences du XX° siècle et partant, comment le monde d’aujourd’hui, pour être compris, exige l’élaboration d’une pensée complexe inséparable elle-même d’une réforme de la formation et de l’enseignement, ce qui révèle le souci éthique de la réflexion morinienne. Giuseppina Noto, quant à elle,  se focalise sur la deuxième partie de Pour entrer dans le XXI°siècle, la deuxième mouture de Pour sortir du XX°siècle, dans « Le jeu de la vérité et de l’erreur. Un nouveau lien dialectique » (p. 362). Pour Edgar Morin la parole politique se trouve prise dans le « jeu atavique » complémentaire et antagoniste, c’est-à-dire complexe, de la vérité et de l’erreur, dont il faut chercher l’origine plus profondément dans les conditions de l’organisation au sens biologique du terme. Or, combattre l’erreur est vital pour tout organisme et signifie « concevoir une stratégie pour éviter l’erreur, induire l’ennemi en erreur ou utiliser l’erreur à son propre compte », l’erreur pouvant être perceptive, erreur de représentation, computationnelle, ou bien sûr encore idéologique, le plus grand délire étant atteint avec l’affrontement manichéen du Bien et du Mal et l’occupation exclusive du site de la Vérité messianique.  Il nous faut donc une raison ouverte, capable de concevoir le jeu entre ordre/désordre/organisation pour dialoguer avec le réel, car la seule chose que les hommes aient en commun, c’est la fraternité de leur identité terrestre. Angela Cimato, de son coté,  dans sa présentation de « Le monde moderne et la question juive. Une relecture historico-critique » (p. 379), montre que l’ouvrage problématise la double appartenance identitaire des marranes et des judéo-gentils au cours de l’histoire, ce qui permet de comprendre leur intégration à la modernité. Quant à Cristina Pasqualina, avec « La tête bien faite et les sept savoirs. Edgar Morin théoricien de l’éducation. Réforme de l’enseignement et réforme de pensée » (p. 411), elle souligne que pour le penseur les deux sont liées, car il s’agit de traduire le paradigme de complexité élaboré par La Méthode à partir des années 70 dans la pratique éducative à partir des années 90. En effet, une réforme de pensée n’a de chance d’aboutir que si les jeunes générations sont formées dès leur plus jeune âge à la complexité. Il s’agit d’une réforme moins programmatique que paradigmatique. Des recherches en ce sens sont actuellement en cours à l’université de Bergame, à l’université de Messine, à l’université catholique de Milan, mais aussi en Amérique latine, au Mexique, au Brésil, en Ecuador, au Chili, en Argentine, ou encore en Espagne et aux Etats-Unis ; l’enjeu est de promouvoir un nouvel humanisme. Dans cette optique, Angela Verso s’interesse à la question qu’Edgar Morin pose après Marx dans « Eduquer les éducateurs. Disséminer la déviance. Le défi éducatif d’Edgar Morin » (p. 425), « qui éduquera les éducateurs ? ». Pour lui, la réponse ne peut être que pragmatique ; la réforme de pensée et de l’enseignement est une mission anthropo-éthique qui passe par une vraie démocratie cognitive, et c’est la prise de conscience de notre destin terrestre et du sentiment de communauté fraternelle qui peut seule nous éduquer à éduquer. Et enfin, Francesco Capranzano dans « La Sociologie de la sociologie. Complexité et sociologie. Réflexion méta-disciplinaire sur les traces de Morin » (p. 437), rappelle que le Paradigme perdu constitue un saut épistémologique dans l’œuvre de l’auteur, autrement dit une méta-réflexion inter et transdisciplinaire visant à faire dialoguer et s’enrichir mutuellement sciences de l’homme et sciences de la nature ; « passer de l’étude d’une société naturelle à l’étude de la nature de la société », « naturaliser » la société sans tomber dans le réductionnisme qui consisterait à la penser comme un organisme à grande échelle ou comme une « entité abstraite ». Il s’agit également de rappeler qu’Edgar Morin n’est pas seulement un philosophe, mais qu’il reste aussi un sociologue et le promoteur d’une sociologie complexe. Quelques communications de la revue visent enfin à confronter la pensée morinienne à celle d’autres intellectuels. C’est le cas de Girolamo Cotroneo dans « Autocritique. Le parcours politique tourmenté d’Edgar Morin » (p. 260) qui compare ce parcours et l’ouvrage où il revient sur son expérience à celui d’autres intellectuels qui ont également quitté le parti communiste comme Ignazio Silone, pour faire apparaître que la question morale est au centre du parcours politique  d’Edgar Morin. Fabiana Russo de son coté dans « Entre le rose et le noir. Un socialisme bien fait pour éviter le malheur » (p. 371), rappelle que quand cet ouvrage paraît (1984) le mur de Berlin n’est pas encore tombé, ce qui donne une responsabilité particulière au parti de la rose face à la noirceur des périls qui menacent le monde d’alors ; toutefois, précise-t-elle, les périls d’aujourd’hui du même coup réactivent la  pertinence actuelle du texte, même après la chute du mur. Le philosophe français y démystifie l’illusion d’un socialisme plein de fausses espérances au profit d’un socialisme dont « la mission n’est pas seulement politique  mais aussi culturelle et civilisatrice ».  Il montre comment le mal essentiel du socialisme réside dans la distance irréductible entre idéologie et pragmatisme, un discours qui semble faire écho à celui que tenait quelques cinquante ans plus tôt Benedetto Croce dans sa prise de position contre le fascisme, montrant «  le danger du passage de l’abstraction de la pensée à l’action et vice-versa, abstraction qui  conduit le plus souvent à la sclérose des deux »,  pensée et action. La guerre froide impose en somme au vieux continent de dépasser l’idée abstraite de pacifisme au profit de la sauvegarde de la culture singulière de la civilisation européenne, soit la démocratie et la liberté individuelle, en assumant « l’immense et infinie responsabilité bio-anthropologique »  que cela représente face aux risques d’embrasement qui menace l’époque. Enfin, Daniela Valenti, dans « Io, Edgar Morin, une histoire de vie. Entre autobiographie et dialogue » (p. 400),  rend compte d’un ouvrage de Cristina Pasqualini comportant trois entretiens avec le philosophe ; puis, dans la veine interdisciplinaire inaugurée par lui, suivent une série d’échanges avec des intellectuels italiens partageant un même intérêt pour la sociologie et l’anthropologie, dialogue de Cristina Pasqualini avec Alberto Bruzzese sur l’imaginaire, Gianluca Bocci sur la complexité, Francesco Casetti sur le cinéma, Fausto Colombo sur l’industrie culturelle, Giovanni Gasparini sur la poésie, Giuseppe Gembillo sur les idées, Mauro Maldonato sur la psyché, Sergio Manghi sur la connaissance, Oscar Nicholaus sur la formation. Pour finir, dans la  dernière partie de ce deuxième tome de Complessità,  suivent un certain nombre de  recensions. « Hommage à l’ami de 85 ans » de R. Reynaga par Giuliana Gregorio (p. 472), à l’occasion de l’inauguration, en novembre 2004,  de la statue de bronze érigée en l’honneur du philosophe par la « Multiversidad Mundo Real » de Hermosillo dans l’état mexicain de Sonora, publication où figurent également des textes d’autres auteurs appartenant à d’autres régions du monde, ce qui atteste de la diffusion planétaire de la pensée complexe. A l’inverse de la partition disciplinaire en vigueur, la Multiversitad affirme la nécessité de la « trans-et multi-disciplinarité » comme méthode de confrontation systématique des savoirs et de la praxis, de façon à permettre une compréhension intégrale de l’être humain et de la phénoménologie de la vie sur notre planète. Caterina Basile (p. 476), elle, étudie le contenu de  deux publications d’Annamaria Anselmo, « Edgar Morin et les scientifiques contemporains » et « Edgar Morin de la sociologie à l’épistémologie ». L’auteur se propose de suivre l’évolution de la pensée du philosophe qui le conduit de l’enquête sociologique à l’élaboration d’une nouvelle épistémologie. Elle fait dialoguer les divers tomes de La Méthode avec trois grands épistémologues contemporains, Heisenberg, Bohr et Maturana pour comprendre l’élaboration de la philosophie de la complexité. Ce qui rapproche les deux textes, c’est la critique de la méthode réductionniste-simplificatrice-mécaniste de la science classique, par référence aux travaux de Capra, Prigogine et Henri Atlan qui montrent son incapacité à rendre compte de la réalité. On trouve aussi dans ces recensions une analyse très fine de l’ouvrage de Françoise Bianchi,  Le  Fil des idées. Une éco-biographie intellectuelle d’Edgar Morin  par Deborah Donato (p. 483).  Elle retient qu’il s’agit de retrouver dans le parcours d’Edgar Morin l’esprit du temps.  Eco-biographie car c’est un point de vue qui tient compte du contexte familial, culturel et social, de façon à   « restituer l’éco-système » qui préside à l’élaboration de la pensée du philosophe. Il s’agit encore de chercher le fil d’Ariane d’une vie si éclectique et si labyrinthique, enracinée dans le politique, la culture, la sociologie, la science et la philosophie. Mais, regrette-t-elle, l’étude se clôt en 1951, et il en émerge un Edgar Morin « plus littéraire que philosophique», ce qui était précisément la thèse de l’auteur. Antonella Chiofalo (p. 491) présente, elle, une lecture du bel ouvrage de Myron Kofman, De Big Brother à la Fraternité qui se propose de dresser un profil intellectuel d’Edgar Morin dans le climat de reconstruction historique et culturelle de l’après-guerre, dans une France prise entre l’horreur de la guerre et le mythe du communisme stalinien, ce qui pousse l’écrivain à l’élaboration du paradigme de la complexité. C’est l’ouvrage de Sergio Manghi, Le Sujet écologique d’Edgar Morin. Vers une société-monde qui retient l’attention de  Maria Arcidiacono (p. 496).  Il traite du sujet défini par le philosophe comme « computo », capacité qui caractérise les êtres vivants, y compris la bactérie, et de son rapport à la société-monde naissante laquelle exige une conscience planétaire écologique. Pour finir, Fabio Gembillo (p. 501) se consacre à une lecture du texte de Emilio Roger Ciurana Introduction à la pensée complexe d’Edgar Morin. « Une introduction historico-méthodologique » à la pensée du philosophe. Il existe avant Platon une vision de la nature comme dialectique de l’ordre et du désordre. Mais, dès Platon, se crée dans la culture occidentale, si l’on excepte Vico, une vision de l’ordre naturel réifié et figé pour l’éternité. Or, dès le début des années 70, Morin pose l’exigence d’une « scienza nuova » ; de même que Vico combattait les dogmes cartésiens, il s’agit de pourfendre les dogmes scientistes et réductionnistes, d’échapper à une pensée essentialiste et substantialiste pour une pensée systémique relationnelle, car dans la vision morinienne, épistémologie et anthropologie sont imbriquées. Pour conclure, cette livraison de la revue Complessità constitue en soi une excellente propédeutique à la lecture de l’œuvre d’Edgar Morin. Mais au-delà,  l’intérêt de cet ouvrage réside en ce qu’il ne mutile pas la pensée du philosophe, mais plutôt met en lumière le processus d’écho entre les œuvres, chacune renvoyant à toutes les autres, si bien que chacune peut constituer une porte d’entrée  pour accéder à l’œuvre entière, selon les intérêts ou la spécialité du lecteur. On choisira la comparaison qu’on préfèrera, ou peut-être les deux sont-elles pertinentes ici : ce numéro de la revue fonctionne comme si l’œuvre morinienne était un hologramme où chaque œuvre singulière contiendrait l’image du tout de l’œuvre et pourrait renvoyer à ce tout ; il fonctionne encore comme un système aux parties interrelationnées, dans lequel chaque œuvre singulière révèle son lien avec le tout de l’œuvre, l’appelle et contribue à l’éclairer. Françoise BIANCHI -Docteur es Lettres,  Pau, novembre 2012.